Le savoir ne permet pas d’acheter la sagesse

Il est curieux de voir l’importance que nous donnons aux mots imprimés, aux soi-disant livres sacrés. Les clercs, comme les laïcs, sont des phonographes ; ils se contentent de répéter, même si les textes ont été souvent changés. Ce qui les intéresse, c’est le savoir, les connaissances, et non la perception directe. La culture, le savoir, empêche la perception directe. Mais le savoir est un havre sûr, la chasse gardée de l’élite ; et comme les ignorants sont impressionnés par le savoir, le savant est respecté et honoré. Le savoir est un vice, un penchant comme la boisson ; le savoir ne conduit pas à la compréhension.

 

Par Jiddu Krishnamurti
Par Jiddu Krishnamurti

On peut enseigner le savoir, mais pas la sagesse ; il faut être délivré du savoir pour que vienne la sagesse. Le savoir ne permet pas d’acheter la sagesse ; mais l’homme qui est entré dans le refuge du savoir ne s’aventure plus au dehors, car le mot nourrit sa pensée et penser le réconforte. Penser est un obstacle à la perception directe ; et il n’y a pas de sagesse sans perception directe. Le savoir, l’idée, la croyance, fait obstacle à la sagesse. (Commentaires sur la vie Tome 1, Chapitre 66)


Une intelligence mesurable n’est pas l’intelligence

Ce qui est important, c’est l’éveil de l’intelligence authentique. Mais ne croyez pas que celle-ci obéisse aux lois de la physique. A la vérité, une intelligence mesurable n’est pas l’intelligence.
Bien loin d’être issue de la pensée, l’intelligence naît par le truchement de la vision intérieure. Elle ne relève ni de l’habileté ni de l’accumulation du savoir. En un mot, elle n’entretient aucune relation avec la pensée. La capacité à construire des ponts ou des ordinateurs, le développement des connaissances et le savoir-faire qui en résulte – tout cela n’a rien à voir avec l’intelligence. Je parle d’une intelligence jaillie de la vision intérieure. (Ultimes paroles. Entretiens avec Lakshmi Prasad. Pages 87 et 88. Editions Albin Michel – L’éveil de l’intelligence)

Qu’est ce que l’intelligence ?

L’intelligence n’est pas le savoir. Si vous pouviez lire tous les livres du monde, cela ne vous confèrerait pas l’intelligence. L’intelligence est quelque chose de très subtil ; elle n’a pas d’ancrage définitif. Elle ne voit le jour que lorsque vous comprenez l’ensemble du processus de l’esprit. L’intelligence naît donc avec la connaissance de soi, et vous ne pouvez vous comprendre que dans votre rapport à l’univers des êtres, des choses et des idées. L’intelligence n’est pas comme le savoir : elle ne s’acquiert pas. Elle naît dans un surgissement d’immense révolte, autrement dit quand toute peur est absente et qu’un sentiment d’amour est là.

Quels que soient mes efforts pour devenir intelligent, ma stupidité demeurera. Je peux certes acquérir un vernis superficiel de connaissances, être capable de citer des livres, des passages de grands auteurs, mais fondamentalement, je resterai stupide. Alors que si je vois et comprends la stupidité telle qu’elle s’exprime dans ma vie quotidienne – dans mon comportement envers mon domestique, dans mon attitude envers mon voisin, envers le pauvre, le riche, l’employé de bureau – cette prise de conscience même entraîne la disparition de la stupidité. (Le Sens du Bonheur, trad. C. Joyeux, Stock, 2006, p.23-24, 25)

Ce qu’est le vrai enseignement

L’ignorant n’est pas celui qui manque d’érudition, mais celui qui ne se connaît pas lui-même et l’érudit est un sot lorsqu’il cherche l’entendement dans des livres, dans des connaissances, auprès d’autorités. L’entendement ne vient qu’à celui qui se connaît lui-même, c’est-à-dire qui a la perception de la totalité de son propre processus psychologique. Ainsi l’instruction, dans le vrai sens de ce mot, est la compréhension de soi, car c’est en chacun de nous que l’existence entière est ramassée.

Ce que, de nos jours, on appelle instruction est une accumulation de faits, un savoir livresque qui est à la portée de toute personne sachant lire. Une telle façon de s’instruire offre une forme subtile d’évasion, et, comme toutes les fuites hors de nous-mêmes, crée inévitablement un surcroît de misères. Nos conflits et notre état de confusion résultent des rapports faux que nous entretenons avec les gens, les choses, les idées, et tant que nous ne comprenons pas et ne modifions pas ces rapports, le fait d’apprendre, de recueillir des données, d’acquérir différentes sortes d’habiletés, ne peut que nous enfoncer davantage dans le chaos et la destruction.


Dans nos sociétés, telles qu’elles sont organisées, nous envoyons nos enfants à l’école pour qu’ils apprennent un art ou une science qui leur permettront un jour de gagner leur vie. Nous voulons faire de notre enfant d’abord et surtout un spécialiste et espérons ainsi lui donner une situation économique sûre. Mais est-ce que l’enseignement d’une technique nous rend capables de nous comprendre nous-mêmes ? Bien qu’il soit évidemment nécessaire de savoir lire et écrire, de posséder un métier et de pouvoir exercer une quelconque profession, est-ce que cette sorte de savoir engendre en nous la capacité de comprendre la vie ? Bien sûr que non. Donc si la technique est notre seul but, nous nions manifestement l’essentiel de la vie.

La vie est douleur, joie, beauté, laideur, amour, et lorsque nous la percevons comme un tout, cette compréhension, à chaque niveau, crée sa propre technique. Mais le contraire n’est pas vrai : un savoir-faire ne peut jamais engendrer une compréhension créatrice.

L’éducation, de nos jours, est une faillite complète parce qu’elle accorde la primauté à la technique. En lui accordant cette importance excessive, nous détruisons l’homme. Cultiver la capacité et l’efficience sans comprendre la vie, sans avoir une perception compréhensive des démarches de la pensée et des désirs, c’est développer, notre brutalité, provoquer des guerres, et, en fin de compte, mettre en péril notre sécurité physique. Le développement exclusif de la technique a produit des savants, des mathématiciens, des constructeurs de ponts, des conquérants d’espace, mais comprennent-ils le processus total de la vie ? Un spécialiste peut-il percevoir la vie en tant que totalité ? Il le peut, s’il cesse d’être un spécialiste.

La connaissance technique, pour nécessaire qu’elle soit, ne résoudra en aucune façon nos conflits psychologiques, nos pressions intérieures ; et c’est parce que nous avons acquis le savoir sans appréhender le processus total de la vie, que la technologie est devenue un moyen de nous détruire nous-mêmes. L’homme qui sait faire éclater l’atome mais qui n’a pas d’amour en son cœur devient un monstre. (De l’éducation – Ce qu’est le vrai enseignement)

Source : Textes (krishnamurti-france.org)

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