© 2019 Éditions des femmes- Antoinette Fouque

Dans le domaine spirituel et culturel, les sociétés matriarcales ne connaissent pas la transcendance religieuse avec un dieu (masculin) invisible, insaisissable, incompréhensible et tout puissant par rapport auquel le monde (féminin) se voit dévalorisé. Le concept matriarcal de divinité est immanent car le monde entier est considéré comme divin et plus précisément comme divin au féminin. C’est ce que prouvent les anciennes représentations de la déesse, la créatrice de l’univers, et de la mère-terre qui fait naître tout le vivant. C’est pourquoi le monde entier est empreint de divinité, chaque femme et chaque homme, la plus petite pierre et la plus grosse étoile.

Dans une telle culture tout est spirituel. Dans ses fêtes qui suivent le cycle des saisons on célèbre tout : la nature sous ses différentes manifestations, les différents sexes, les différentes générations, chacune selon ses propres capacités et les différents clans avec leurs tâches. Cela se passe suivant le principe : La diversité est une richesse et dans tous les secteurs. Il n’y a pas de séparation entre le sacré et le profane, c’est pour cela que dans la vie quotidienne chaque action (semer, récolter, tisser) est un rituel significatif. Sur le plan spirituel, je définis les matriarcats comme des sociétés sacrées et des civilisations de la déesse. Au contraire, les patriarcats récupèrent et utilisent les capacités spirituelles des gens afin de soutenir les principes des dominants à travers les religions d’Etat et les grandes religions du monde.

La société matriarcale n’est pas une utopie abstraite, contrairement à des projets de société purement philosophiques. De telles utopies ne se sont jamais traduites concrètement dans l’histoire de l’humanité. Au contraire, la société matriarcale est une expérience concrète, vécue pendant les périodes les plus longues de l’histoire des civilisations et elle appartient ainsi au trésor culturel des connaissances indispensables de l’humanité auquel on ne peut pas renoncer. Ses règles montrent comment peut s’organiser une vie commune, suivant les besoins, en paix, sans violence, c’est à dire tout simplement humainement.


© Vandana Shiva – Ferme de Navdanya – Des semences pour sauver le monde

Dans le domaine économique, on ne peut plus augmenter le nombre des grandes industries et le soi-disant niveau de vie sans courir le risque de détruire complètement la biosphère de la terre. C’est ici que se présente la perspective de subsistance comme alternative économique pour les unités locales et régionales. Celles ci gèrent tout en autarcie en faisant toujours passer la qualité de vie avant la quantité. A l’échelle mondiale, il s’agit de renforcer et de multiplier les structures de cette économie de subsistance qui existent encore et dans lesquelles les femmes portent l’économie la plupart du temps et en aucun cas de les sacrifier aux grands trusts de la mondialisation économique. Cette régionalisation en faveur des femmes est un principe matriarcal.

Dans le domaine social, il s’agit de sortir de l’atomisation de la société qui pousse de plus en plus les gens à plonger dans l’isolement et la solitude et les rend malades et destructeurs car c’est le terreau idéal pour la violence et la guerre. Il s’agit de la formation de communautés basées sur des affinités électives de différente nature que ce soit des communautés de vie, de voisinage ou des réseaux. En effet, ces affinités électives se créent seulement dans une harmonie totale sur le plan intellectuel et spirituel. Le principe matriarcal dans tout cela, c’est que ce sont les femmes qui fondent, portent et dirigent de tels clans basés sur des affinités électives. Il est établi sur les besoins des femmes et des enfants qui représentent l’avenir de l’humanité et non pas sur les envies de pouvoir et de puissance des hommes. Ces dernières ont permis de créer les grandes familles patriarcales et les alliances politiques des hommes qui présentent en particulier pour les femmes un certain degré d’oppression et d’exclusion. Dans les nouveaux matri-clans par contre, les hommes sont complètement intégrés par les femmes mais selon un tout autre système de valeurs qui s’oriente vers la sollicitude réciproque et l’amour au lieu du pouvoir. Les hommes y vivent mieux que dans le patriarcat.

© Le Mouvement Matricien | Le pouvoir sur les hommes n’est pas le matriarcat https://matricien.wordpress.com/parente/idees-recues/

Dans le domaine spirituel et culturel, on ne peut faire autrement que de se distancier de toutes les religions hiérarchisées qui prétendent représenter la vérité absolue et qui ont profondément dégradé, avili la terre, les humains et les femmes en particulier. Bien au contraire, il s’agit d’une nouvelle sanctification du monde selon la conception matriarcale : le monde entier avec tout ce qui est dedans et dessus est sacré. Cela amène à nouveau à tout honorer et fêter d’une manière libre et créative : la nature sous ses différentes formes, les êtres, l’ordre des communautés humaines, de même que chaque personne avec ses capacités personnelles qui représentent sa « dignité ».

De cette manière, la spiritualité matriarcale peut imprégner toute chose et faire partie à nouveau de notre quotidien. Il est clair que la destruction de la nature, le sexisme et le racisme ne sont plus possibles dans cette future culture, grâce au principe matriarcal selon lequel la diversité est la vraie richesse de la terre, de l’humanité et de la civilisation. Les valeurs de « l’ethos matriarcal » : l’équilibre et la réciprocité dans tous les domaines de la société et les liens d’amour entre tous les êtres vivants et les formes de la nature ne le permettraient pas.

La spiritualité matriarcale y joue un grand rôle. Les sociétés matriarcales étaient des sociétés sacrées, leurs différentes formes étaient portées par cette attitude spirituelle sans laquelle elles n’auraient jamais fonctionné. C’est pourquoi on ne peut réaliser de nouvelles formes matriarcales sans que l’ethos matriarcal imprègne le tout.

Réfléchir à tout cela sur le plan politique ne veut pas dire rien de moins que s’engager sur un chemin qui mène à une nouvelle société égalitaire et préparer un avenir vraiment humain. Lire l’intrégralité du texte > Heide Göttner-Abendroth (matriarchiv.ch)

Sur le plan politique, je définis donc les matriarcats plutôt comme des sociétés égalitaires basées sur le consensus. Au contraire, les patriarcats sont par principe des sociétés de domination même quand ils se présentent comme des démocraties formelles. (...) De part leur politique axée fondamentalement sur la paix, les sociétés matriarcales sont des modèles importants pour les sociétés futures, justes et pacifiques, au-delà du patriarcat.  — Heide Goettner-Abendroth, philosophe et anthropologue